Pierre noire, sanguine et rehauts de craie blanche, plume et encre marron sur papier chamois
H. 24 ; L. 32 cm
Mise au carreau à la sanguine
Marques d’humidité en bas et sur les côtés
Marque de collection : F. Abbolt (Lugt 970)
Londres, The Courtauld Gallery, inv. D.1952.RW.1046
Historique : Collection Sir Witt. Robert Clermont ; achat par le Courtauld Institute en 1952.
L’épisode représenté dans cette œuvre est tiré de l’évangile de saint Marc (1:16-18) : 16 Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, frère de Simon, qui jetaient un filet dans la mer; car ils étaient pêcheurs. 17 Jésus leur dit : Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. 18 Aussitôt, ils laissèrent leurs filets, et le suivirent. » Le dessin illustre le moment où saint Pierre, saint André et deux pêcheurs descendent du bateau pour venir au-devant de Jésus, pour le vénérer et le suivre.
Longtemps attribué à Andrea Sacchi (1599-1661), ce dessin nous a été signalé par Ketty Gottardo qui y a vu une main française du XVIIème siècle. Benjamin Perronet a proposé à juste titre le nom de Charles de La Fosse. Nous attribuons sans hésitation cette feuille à l’artiste où l’on retrouve son maniement très personnel des trois crayons et son style coloriste. Les traits se superposent dans un certain désordre pour donner vie aux mouvements et placer la lumière avec la sanguine et les rehauts de blanc et les ombres avec les épaisses hachures qu’on lui connait bien. L’usage conjoint des trois couleurs et de l’encre brune est très peu courante chez La Fosse. Il se sert de la plume pour accentuer encore les contours des figures. La sanguine et les rehauts de craie blanche apportent de la lumière sur la chair et le manteau du Christ. Le paysage lui est entièrement souligné de hachures de pierre noire.
On perçoit une certaine agitation chez ces figures, notamment celle de saint Pierre, à la vision du Christ. Un dessin approchant où figure Jésus et les évangélistes au bord de la mer de Galilée mérite d’être cité : Jésus marchant sur l’eau, préparatoire au tableau de l’Ermitage (P. 108)(bibl. : Clémentine Gustin Gomez, Charles de La Fosse, Cahiers du dessins français, tome 16, n° 4, ill.). L’on y retrouve les mêmes personnages aux visages brutaux et aux attitudes quelque peu caricaturales. Le Christ à gauche dans la feuille du Courtauld, vu de profil, le visage hâtivement croqué, est vêtu d’un vaste manteau à plis arrondis. Il apparait identique à droite dans la composition de la collection privée également mise au carreau. Une figure de rameur est dessiné dans la même posture dans les deux œuvres. La mise en page est comparable dans ces deux épisodes des évangiles. Le dessin parisien est traité à la plume, encre brune et lavis gris qui lui donne une plus grande austérité. Celui de Londres montre plus de confusion dans l’exécution avec le mélange d’encre brune et des trois crayons. Les traits se superposent dans un certain désordre pour donner vie aux mouvements et placer la lumière avec la sanguine et les rehauts de blanc et les ombres avec les épaisses hachures qu’on lui connait bien.
Dans la dernière partie de sa vie que l’on pourrait dater des années 1700, La Fosse peint et dessine volontiers des visages aux expressions outrées et des corps quelque peu contorsionnés. Ces dessins illustrent l’incroyable évolution du style de Charles de La Fosse durant sa longue vie de travail. Il montre le changement entre le clarissime qui influence indéniablement le changement entre le Classicisme de Charles Le Brun à la liberté du XVIIIème siècle.
Citons également le tableau du Palais des Beaux-Arts de Lille, La Remise des clés de saint Pierre. Dans cette œuvre, comme dans le dessin du Courtauld Institute, le Christ domine la composition par sa taille face à plusieurs personnages serrés en petits groupes compacts.
Notre composition d’ensemble pour un tableau perdu représentant le Christ qui appelle saint Pierre et saint André à le suivre constitue une addition importante au corpus des dessins de Charles de La Fosse, tant les feuilles mises au carreau pour des compositions d’ensemble sont rares parmi les dessins qui ont survécu parmi un corpus d’environ mille cinq cents feuilles qui figuraient dans l’inventaire après décès de La Fosse en 1716.
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