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  • Clémentine Gustin-Gomez

PAYSAN VU DES TROIS-QUARTS VERS LA GAUCHE, S’INCLINANT, SON CHAPEAU À LA MAIN


Pierre noire, sanguine sur papier beige

H. 28 ; L. 19 cm

Collection Hinrich Sieveking

Historique : Collection van Hans Calmann (1899-1982) et Betty Calmann née Hertz (1903-1998), Pertridge House, Wells, Sommerset.

Bibliographie : Parker-Mathey, 1957, II, n° 944, repr., ; Rosenberg-Prat, 1996, t. III, n° R. 372 ; Stijn Alsteens, catalogue “Spurenlese Zeicheneugen und aquarelle aus drei Jahrhunderten”, Hamburger Kunsthalle, 2016, p.278-279.


Ce dessin est la copie de la figure du paysan s’inclinant son chapeau à la main dans le tableau de Rubens, Les Pèlerins d’Emmaüs peint vers 1636-1638 qui est conservé au musée du Prado depuis le XVIIème siècle. L’artiste a copié le paysan d’après une gravure en contrepartie et a prolongé son corps vers le bas où la table le cache à partir des hanches. La feuille a été attribuée à Cornelis Schut l’ancien (Anvers, 1597-1655) par Stijn Alsteens, accompagnée d’une datation vers 1640. Dans leur catalogue raisonné des dessins de Watteau, Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat ont estimé en revanche que celle-ci « présente toutes les caractéristiques des dessins de Charles de La Fosse ».


Dans un premier temps, nous avons repoussé l’attribution à La Fosse. Notre première analyse du dessin s’est concentrée sur le visage et la partie habillée du corps du jeune homme. Là était l’erreur. Mieux valait regarder la partie de la figure qui n’est pas représentée dans le tableau, en l’occurrence, les jambes que l’artiste dessine librement et où la spécificité de son style peut être analysée.


Charles de La Fosse a une manière très caractéristique de représenter bras et jambes. Il utilise la sanguine et la pierre noire et double souvent les traits qui sont appuyés et gras pour affirmer les contours. Il ne se soucie pas de la précision mais il cherche à poser la figure dans l’espace et de rendre l’effet de la lumière. Il a suffi à La Fosse de quelques coups de crayon rapides pour évoquer le bas de la tunique du paysan avec un jeu de hachures un peu espacées à la sanguine qui sont caractéristiques du peintre. La jambe de gauche à l’ombre est surtout traitée à la pierre noire et la sanguine sur celle de droite indique qu’elle est à la lumière.


Mon autre erreur a été de ne pas prêter suffisamment d’attention aux bras noueux et musculeux où l’on peut également observer son usage très personnel des deux couleurs. Peut-être y a-t-il également de la craie blanche sur le bras qui porte le chapeau ? Des feuilles publiées dans le catalogue raisonné de l’artiste montre des études de bras et de jambes qui me semblent bien proches de celles-ci. Citons les dessins suivants : les académies de D. 230 à D. 233 et également les feuilles D.30, D. 35 et D.73 où apparaissent des hommes partiellement dénudés.


Nous savons par les archives que La Fosse se plaisait à copier des œuvres de Rubens. Un exemple, Le Roi Nestor suivi de deux personnages masculins d’après Pierre Paul Rubens(Ottawa, National Gallery of Canada), a été publié dans le catalogue raisonné de La Fosse (D. 136)


Comme l’a écrit Stijn Alsteens, un détail attire également l’attention. Dans la gravure, les yeux du paysan au chapeau sont tournés vers le Christ tandis dans que dans cette feuille ils regardent fixement avec attention le spectateur. Cette liberté dans l’interprétation peut se comprendre chez un artiste copiant le tableau un siècle après son exécution par Rubens. Cornelis Schut, élève du maître, se serait-il permis ce clin d’œil ? Son éducation consistant à copier fidèlement le maître. Dans le mouvement coloriste parisien, Le collectionneur Pierre Crozat féru de Rubens avait un rôle considérable. Son Salon était réputé au même titre que son immense collection, en particulier ses dessins. Il possédait de surcroit de nombreuses estampes de Rubens. Peut-être Charles de La Fosse a-t-il vu et copié cette gravure chez Crozat chez qui il habitat les dernières années de sa vie. Ou peut-être l’a-t-il copiée chez Roger de Piles, le théoricien du rubénisme, non moins riche en estampes du Maître du Nord, qui fut un ami proche ?



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